Entretien avec le Pape François
Revue Etudes Septembre 2013
Je suis un pécheur sur lequel le Seigneur a posé son regard.
Voici un extrait de l’interview du pape François aux revues culturelles jésuites – Pour lire la totalité de l’interview publié par la revue Etudes, cliquer sur : http://newsletter.revue-etudes.com/TU_Septembre_2013/TU10-13.pdf
Les 19 et 23 et 29 août derniers, le pape François a accordé trois longs entretiens au P. Antonio Spadaro s.j., directeur de La Civiltà Cattolica. Le P. Spadaro représentait l’ensemble des revues culturelles jésuites européennes et américaines, dont les responsables avaient préparé un certain nombre de questions. Le texte de cet entretien a été traduit par François Euvé s.j. et Hervé Nicq s.j. Le Pape François n’accorde pratiquement aucune interview. C’est dire l’intérêt d’un tel document qui permet de mieux connaître sa personnalité et les grandes lignes qui animent sa spiritualité et sa théologie.
Qui est Jorge Mario Bergoglio ?
Ma question est prête, mais je décide de ne pas suivre le schéma que je m’étais fixé, et lui demande à brûle pourpoint : « Qui est Jorge Mario Bergoglio ? » Le pape me fixe en silence.
Je lui demande si c’est une question que je suis en droit de lui poser… Il acquiesce et me dit : « Je ne sais pas quelle est la définition la plus juste… Je suis un pécheur. C’est la définition la plus juste… Ce n’est pas une manière de parler, un genre littéraire. Je suis un pécheur. »
Le pape continue de réfléchir, absorbé, comme s’il ne s’attendait pas à cette question, comme s’il était contraint à une réflexion plus approfondie. « Si, je peux peut-être dire que je suis un peu rusé (un po’ furbo), que je sais manœuvrer (muoversi), mais il est vrai que je suis aussi un peu ingénu. Oui, mais la meilleure synthèse, celle qui est la plus intérieure et que je ressens comme étant la plus vraie est bien celle-ci : Je suis un pécheur sur lequel le Seigneur a posé son regard. »
Il poursuit : « Je suis un homme qui est regardé par le Seigneur. Ma devise, Miserando atque eligendo, je l’ai toujours ressentie comme profondément vraie pour moi. Le gérondif latin miserando me semble intraduisible tant en italien qu’en espagnol. Il me plaît de le traduire avec un autre gérondif qui n’existe pas : misericordiando (en faisant miséricorde). »
Le pape François continue sa réflexion et me dit, faisant un saut dont je ne comprends pas le sens sur le moment : « Je ne connais pas Rome. Je connais peu de choses. Parmi celles-ci Sainte Marie Majeure : j’y allais toujours. » Je ris : « Nous l’avions tous très bien compris, Saint Père ! »
« Voilà, oui, poursuit le pape, je connais Sainte Marie Majeure, Saint Pierre… mais, venant à Rome j’ai toujours habité rue de la Scrofa. De là, je visitais souvent l’Église de Saint Louis des Français, et j’allais contempler le tableau de la vocation de Saint Matthieu du Caravage. » Je commence à comprendre ce que le pape veut me dire.
« Ce doigt de Jésus… vers Matthieu. C’est comme cela que je suis, moi. C’est ainsi que je me sens, comme Matthieu ».
Soudain, le pape semble avoir trouvé l’image de lui-même qu’il recherchait : « C’est le geste de Matthieu qui me frappe : il attrape son argent comme pour dire : “Non, pas moi ! Non, ces sous m’appartiennent !” Voilà, c’est cela que je suis : un pécheur sur lequel le Seigneur a posé les yeux. C’est ce que j’ai dit quand on m’a demandé si j’acceptais mon élection au Pontificat. »
Il murmure alors : « Peccator sum, sed super misericordia et infinita patientia Domini nostri Jesu Christi confisus et in spiritu penitentiae accepto (je suis pécheur, mais, par la miséricorde et l’infinie patience de Notre Seigneur Jésus Christ, je suis confiant et j’accepte en esprit de pénitence). »
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