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Accueillir la Miséricorde Divine avec sainte Thérèse d’Avila
P. Marie-Joseph Huguenin
Mardi 15 octobre, nous fêterons sainte Thérèse d’Avila, réformatrice de l'Ordre du Carmel. La miséricorde divine dans l’œuvre de sainte Thérèse d’Avila apparaît comme une mise en lumière de ce qui constitue l’essentiel de l’Évangile : la révélation de la Miséricorde de Dieu.
L’oraison, qui permet à Thérèse d’Avila de vivre en présence du Christ et de réactualiser ainsi l’Évangile de la Miséricorde est le fondement de sa doctrine*. Tous les aspects de son enseignement concernant Dieu, l’homme et son engagement en Église découlent de cette expérience qui a illuminé toute sa vie.
Dieu est à la fois splendide de majesté et infiniment proche. La grandeur de Dieu se révèle avec éclat dans sa miséricorde. Sa puissance est surtout celle de sa Miséricorde, qui « fait tout concourir au bien de ceux qui l’aiment » (Rm 8, 28). Plus encore, il est le Créateur, celui à qui nous appartenons et qui nous a destinés à l’union mystique, « afin que nous soyons saints et immaculés en sa présence, dans l’amour » (Ep 1,4) ; cf. Ps 113, 7-8).
Thérèse est convaincue de l’appel universel à la sainteté, parce que Dieu est infiniment miséricordieux et « qu’il met ses délices à être avec les enfants des hommes » (Pr 8, 31 ; cf. Ct 8,5). Il aime les pauvres, il se fait proche de l’affligé et le console (cf. Mt 5, 3-5).
A la suite de saint Paul, Thérèse « se glorifie surtout de sa faiblesse » (2, Co, 12, 9), pour que « resplendisse » la miséricorde de Dieu. Elle acceptera de voir son corps se briser « comme un vase d’argile » (2, Co 4,7), à force de se dépenser pour son Époux, le Christ, car elle peut dès lors s’offrir « par la miséricorde de Dieu, comme une hostie vivante, sainte, agréable à Dieu » (Rm 12,1). Consumée d’Amour et convaincue de sa misère et de ses péchés, Thérèse est identifiée au Crucifié « qui s’est fait péché pour nous, afin de nous justifier en lui » (2 Co 5,21). Comme le Christ, la miséricorde l’a poussée à s’identifier mystiquement au pécheur, à ne faire plus qu’un avec celui-ci pour lui manifester son Amour.
Thérèse se reconnaît en Marie-Madeleine, elle est solidaire désormais des pécheurs et témoin de l’Amour de Dieu. Elle sait que si Dieu est juste, c’est pour que sa miséricorde fasse de nous des justes (cf. Rm 8,30 ; 11,32). Sans lui, nous ne pouvons rien faire (cf. Jn 15,5). Que l’homme, seulement, ne refuse pas pour toujours sa Miséricorde !
En découvrant toujours plus clairement le visage et le cœur de Dieu, Thérèse fonde sa foi et son espérance sur sa miséricorde. La fidélité de Dieu entraîne celle de Thérèse, son amour incommensurable éveille en elle une réciprocité de plus en plus parfaite. Sa vie condense d’une manière personnelle et avec une intensité prophétique l’histoire sainte, qui est l’histoire de la Miséricorde de Dieu révélée aux hommes (cf. Os 2). Le cœur comblé, Thérèse déborde de reconnaissance et devient une incessante « louange de gloire de sa grâce » (Ep 1,6 ; cf. Lc 1, 46 s).
Thérèse est appelée à partager son expérience dans les communautés qu’elle fonde : les Carmels sont des lieux privilégiés où s’exerce la Miséricorde, parce que ses Sœurs s’adonnent à l’oraison, qui est accueil de la Miséricorde Divine. Elles sont transformées en Jésus Christ et rayonnent à leur tour de Miséricorde. La communauté chrétienne devient ainsi le lieu de l’oraison et de la miséricorde, espérance pour le monde (cf. Ac 2, 42 ; 4, 32-35).
*Le cardinal Paul Poupard, dans une conférence, montre comment la Miséricorde Divine est au centre de la révélation et que l’encyclique Dives in Misericordia (Dieu riche en Miséricorde) apparaît comme un recentrage théologique. Il termine en citant une phrase de Bernard Bro, o.p. résumant toute sa pensée : « La Miséricorde est la seule réalité qui peut récapituler et illuminer définitivement tous les autres aspects du mystère chrétien » (Card. Paul Poupard « Teologia dell’amore misericordioso », dans N.N. Prima lettera della Dives in Misericordia op. cit., p. 203-216). L’étude de la Miséricorde chez sainte Thérèse a justement mis en lumière cette place centrale et englobante.
Extrait de – Au cœur de la Miséricorde Divine avec Thérèse d’Avila, EdB, janvier 2025, pp. 266-268
Photo : Morcueto - Pixabay