Le fil d'actualitéLe billet du moisLes visages de la MiséricordeDans l'église

Vivre la Miséricorde Justice et charité
En ce temps du Carême, chaque baptisé est invité vivre la prière, le jeûne et l’aumône. Chacun, chacune peut se rendre disponible pour vivre la Miséricorde.
En fréquentant petit à petit la Parole de Dieu, en lisant l’Évangile, dans notre prière, nous sommes transformés en Celui qu'elle annonce : Jésus. De même, en mettant en actes des œuvres de Miséricorde ou ne serait-ce qu'une d'entre elles, nous devenons disponibles pour expérimenter et vivre la Miséricorde dans toutes ses dimensions, surtout si nous sommes fidèles à la recommandation de saint Paul « Que celui qui exerce la Miséricorde le fasse en rayonnant de joie » (Rm 12, 8).
Voici trois pistes pour vivre la miséricorde en actes, à la suite de Jésus, en nous fondant sur la Parabole du Bon Samaritain (Lc 10, 25-37) et sur le bon sens.
Tout d'abord, ne craignons pas de nous approcher, d'avoir un contact avec les personnes qui sont dans la peine, de nous faire leur prochain, de nous rendre présents par le regard et par l'écoute. Ceci suppose que nous n'ayons pas peur, nous-mêmes, de nous laisser approcher lorsque nous sommes dans l'épreuve.
Aujourd’hui, en raison de nombre de misères engendrées par les dysfonctionnements et les crises, l'un des besoins prioritaires, dans notre société hyper-fonctionnelle, administrative, informatisée, technique, procédurière, c'est l'existence de lieux d'écoute.
Tant de personnes, en souffrance, qui vivent l'épreuve physique ou spirituelle, le plus souvent les deux, désirent rencontrer des personnes sachant les écouter. C'est sans doute l'une des miséricordes les plus importantes et les plus nécessaires que l’Église, - les membres du Corps du Christ -, peut offrir aujourd'hui. Pour répondre à cette attente, il ne suffit pas d'être généreux, de bonne volonté. Les baptisés ont besoin d'un minimum de savoir-faire et même de professionnalisme. Ceci suppose d'accepter de se former auprès de d'autres pour pouvoir aider efficacement, connaître des gestes et des attitudes très simples et de bon sens auxquels on ne pense pas forcément.
D'autre part, nous pouvons aussi vivre la Miséricorde par des gestes tout simples qui ne demandent pas une compétence particulière. C'est un des beaux enseignements de Mère Teresa. Donner une parole, un bonjour, un sourire peut transformer la journée de quelqu'un. Corrélativement, vivre une œuvre de miséricorde, en ses innombrables variantes, permet à chacun de nous d'accueillir la Miséricorde Divine, d'en être nous-mêmes les premiers bénéficiaires, d'en découvrir toute la beauté et la joie. Le témoignage fréquent des personnes qui servent dans des multiples lieux et formes d'aide aux plus démunis est celui-ci : « je croyais apporter ; j'ai reçu bien davantage ».
Enfin, en ce temps du Carême, un dernier mot, particulièrement important pour sortir de fausses conceptions de la Miséricorde interprétée comme mièvre, condescendante ou ne s'attaquant pas à la racine des problèmes.
Faire miséricorde, ce n'est pas s'épargner à bon compte ce que l'on doit en justice ! Par exemple, donner aux pauvres n'exonère pas de l'attention à la dimension sociale et politique du problème de la pauvreté. L'enseignement de l’Église revient constamment sur le rapport entre charité et justice : 'Quand nous donnons aux pauvres les choses indispensables, nous ne faisons pas pour eux des dons personnels, mais nous leur rendons ce qui est à eux. Plus qu'accomplir un acte de charité, nous accomplissons un devoir de justice*.'
Un frère évêque dominicain, Mgr Jean-Louis Brugues, a ainsi rappelé : « La Miséricorde est le diapason de tous les mouvements de l’Église. Rien de fade, rien de mièvre en elle : il faut au contraire, une âme ferme et déterminée pour en vivre, car si elle est une compassion envers celui qui souffre, elle est tout autant une insurrection contre le malheur ou l’injustice qui l’opprime ».
* Compendium de la Doctrine sociale de l’Église, Bayard, Cerf, Fleurus-Mame 2005, 184, p. 102-103, citant Saint Grégoire le Grand.
Mgr Albert-Marie de Monléon,o.p., mars 2017
Entré dans la Vie, le 29 avril 2019, fête de S Catherine de Sienne, religieuse dominicaine
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Image : peinture de Berna